Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Images et Impressions d'un Cosmopolite
25 septembre 2007

Pour un dollar, vous pouvez appeler en Estonie et voter pour le Christ

piauiVoilà un article que j'avais traduit au Brésil, mais que j'ai oublié de poster ici. Tiré d'un magazine original (Piaui), il parle de l'élection des 7 nouvelles merveilles du monde, qui a eu lieu le 7 juillet dernier (le 07/07/07) et dont on a apparemment très peu entendu parler (vu la position de la Tour Eiffel dans le classement final; remarquez, et je pèse mes mots malgré ma parisiannité prononcée, qui pourrait considérer la Tour Eiffel comme une merveille du monde?). A Rio on en parlait énormément, et ça a payé vu que le Christ Rédempteur a été promu au titre de merveille (pour voir la liste complète, c'est ici). L'article était vraiment drôle et bien écrit en portugais, le voici en français. Bonne lecture!

Le personnage n’a pas l’habitude de se changer : chaussures en cuir noires, pantalon habillé de la même couleur, chemise bleue et casquette blanche. C’est son uniforme. Vêtu de cette façon il a été vu au Japon, méditant dans un temple sacré. Vêtu de cette façon il a été photographié en Inde, caressant la trompe d’un éléphant. En Angleterre, c’est dans la même tenue qu’il a visité la terre sacrée des druides. A l’Acropole d’Athènes, il a utilisé le même costume pour rencontrer le président grec. Peut-être l’avez-vous croisé en haut de la Tour Eiffel. Ou qui sait, se promenant sur la muraille de Chine. L’homme en question a promis de visiter la Statue de la Liberté le 7 mars, en chaussures en cuir noires, pantalon habillé noir, chemise bleue et casquette blanche.

Non, ce n’est pas Charlie (de « Où est Charlie ? », NdT, oui le traducteur, c’est moi ;-). Bernard Weber est un Canadien né en Suisse, maigre et grand, de 54 ans, qui, ces derniers mois, a visité les quatre coins de la Terre pour promouvoir un concours qui prétend changer l’Histoire : le choix des sept nouvelles merveilles du monde.

L’idée lui est venue en 1999, d’un seul coup. En discutant avec une institutrice, Weber a appris combien il était difficile d’enseigner aux élèves quelles étaient les sept merveilles originales : hormis les pyramides d’Egypte, toutes avaient disparu. Animé par une fureur pédagogique, Weber a établi une liste de 177 monuments encore debout, candidats au poste de merveille. Avec l’aide d’une équipe d’architectes – parmi lesquels certains lauréats du Pritzker, le Nobel de la discipline – il a réduit cette liste à 77. Mais c’était encore beaucoup. Il a créé une fondation – la New 7 Wonders – et un site, sur lequel, par vote populaire, il est arrivé à choisir les finalistes. Il a obtenu quelques donations, mais en l’absence d’un grand sponsor, il a inventé 7 marques fictives : Utilor, Omni Stark, Prodaari, Concorla, SeeGoFeel, Ypsolute et Kwebi. Où qu’il aille, il transporte avec lui une pancarte avec les logos respectifs, dans l’espoir de les faire connaître et de les vendre plus tard. Quand il le peut, il se fait prendre en photo devant la pancarte.

Qui visite le site de la New 7 Wonders est accueilli par la phrase : « C’est votre chance de participer à la construction de l’histoire. » Pour cela, on peut procéder de plusieurs façons. La plus simple est de s’inscrire sur le site et de choisir ses sept merveilles fétiches. De la sorte, vous jouez pour gagner des livres, des jouets, des vêtements et des pièces avec la marque de la fondation. Le problème avec cette façon, c’est qu’elle ne vous permet pas de voter pour une seule merveille, celle que vous portez dans votre cœur. Pour contourner le problème, pour la modique somme de deux dollars, il est possible d’acquérir un certificat de merveille préférée. Cela équivaut à un vote. Weber recommande que le votant imprime le certificat en couleur et le colle à l’arrière de sa voiture, comme ça « tout le monde saura que vous avez voté pour les sept merveilles et saura quelle est votre favorite ». Enfin, comme nous l’apprend le site de Riotur, responsable de l’événement au Brésil, on peut aussi voter en appelant un numéro en Estonie, au prix de 1 dollar la minute. Une partie de l’argent récolté sera reversée pour la conservation des merveilles gagnantes. D’après Weber, 25 millions de votes ont déjà été comptabilisés. Jusqu’au 6 juillet, date de clôture des votes, il espère compter au minimum 100 millions de votants.

Le résultat sera dévoilé à Lisbonne, le 7 juillet 2007, ou comme il préfère le dire, le 07/07/07. « Cela a été pensé dès le début. Pas seulement parce qu’il y a sept merveilles du monde, mais aussi parce que, comme l’a montré une étude sur le cerveau, sept est le nombre de choses dont une personne peut se souvenir avec facilité. Cinq est peu. Dix est trop. Sept est idéal. Ainsi, pour la première fois, nous allons créer une mémoire globale. »

Les projets d’ambition planétaire ont l’habitude d’être confrontés à des obstacles. La pierre qui se trouve sur le chemin de Weber s’appelle Zahi Hawass. Chef du Conseil Suprême des Antiquités d’Egypte, Hawass se plaint du fait que les pyramides, parce qu’elles font partie de la liste originale, devraient être hors concours*. Weber répond avec des arguments démocratiques : le groupe original des sept merveilles a été choisi par un homme seulement, le philosophe grec Philon de Byzance, en 200 avant Jésus-Christ. Weber affirme également qu’à cette époque, le monde connu se réduisait pratiquement à la Méditerranée. Donc rien de plus logique que de soumettre la liste à une révision. D’ailleurs, les pyramides font partie des merveilles les plus cotées, avec la Grande Muraille de Chine, le Taj Mahal, le Machu Picchu, les statues de l’île de Pâques, le Colisée et la Vallée de Pétra, en Jordanie. A la 13ème place figure la statue du Christ Rédempteur. Pour cela, en février, Weber a débarqué à Rio pour se mettre momentanément au service de notre monument.

christoA 10 heures du matin, la solennité est de mise, lorsque l’Orchestre de la Police Militaire entame l’Hymne du Brésil. Weber partage une scène improvisée avec des personnages divers : Savio Neves et Paulo Senise, les coordinateurs de la campagne « Votez pour la Christ – c’est une merveille », le joueur de football Jairzinho, fameux numéro 7 de la Seleção dans les années 1970, nommé ambassadeur de l’événement, et Monseigneur Eusebio Scheid, cardinal-archevêque de Rio de Janeiro. Neves commence : il faut insister sur la grandeur du moment, ce concours ne va plus jamais avoir lieu ». Il est suivi par Senise : « Je ne vais pas citer de noms, mais nous avons des concurrents sans grande expression parmi les sept. Nous avons besoin de 10 millions de votes ». Mélangeant  médecine et religion, Jairzinho est surprenant : « J’ai été le premier joueur au monde à faire un cancer osseux, avant la Coupe du Monde 70. En gagnant le triple championnat, j’ai démontré que Jésus existe ». Le cardinal est plus terre à terre (qui se dit « pão-pão, queijo-queijo » en portugais, à savoir « pain-pain, fromage-fromage », je trouve cette expression magnifique !) : « Voter pour le Christ n’est rien de plus que notre devoir ».

christEnsuite, tous se rassemblent au pied du Christ, pour la photo officielle. C’est à ce moment-là que Weber donne le certificat de participation au concours. Il sort une banderole sur laquelle on peut lire « Vote for me ». Au fond, un prêtre chante « Seigneur, aie pitié de nous », accompagné par un clavier. La mélodie remplace bientôt les rythmes de la bateria (orchestre composé uniquement de percussions) du Grande Rio, engagée par la Prefeitura (la mairie) pour animer l’événement. Au grand dam des organisateurs, qui ne veulent pas associer la ville au tourisme sexuel, Weber est salué par sept promeneuses magnifiques – dont Rose Claudia, 1 mètre 72, et Gilcimara Viana, 1 mètre 87, toutes deux aux mensurations de mannequins. Les flashes crépitent, il vibre : « C’est la première fois que je vois l’hymne national, la samba, le football et la religion mélangés ! ».

La cérémonie se termine. Weber fait un tour dans la boutique de souvenirs, routine obligatoire dans tous les pays qu’il visite. Son choix s’arrête sur quatre petites statuettes du Christ, pour un total de 122 reais. Il ne veut payer que 100. La gérante de la boutique accepte de vendre pour 115 reais. Il répète que 100 est son dernier prix, et il se justifie : « c’est du contreplaqué ». La gérante rétorque que moins de 115, ce n’est pas possible.
-    Cent.
-    Cent quinze.
-    Cent.
-    Cent quinze.
Agacé, il décolle une des statuettes de sa base, pour montrer la mauvaise qualité des produits. Maintenant c’est la gérante qui ne veut plus vendre : 115 ou rien. Ce sera rien. Weber a tourné les talons et est parti.

Publicité
Publicité
Commentaires
M
-> Nim': de janvier à fin août, avec un voyage de 6 semaines au milieu... donc six gros mois vécus à Rio, c'est pas grand chose mais ça donne déjà un bon aperçu de la vie là-bas (ça me manque déjà!). Je partage ton point de vue: sept merveilles, c'est loin d'être assez, mais si tu regardes la liste des merveilles finalistes, tu as déjà une idée de quelques sites immanquables sur la planète... trop de choses à voir!!!<br /> Content que tu aies apprécié cet article...<br /> Si c'est pas trop indiscret, le "Nim'" c'est pour quoi?;-p
N
Personnellement, je trouve dommage de réduire la liste à sept monuments (l'argument du fondateur sur la capacité de mémorisation du genre humain me semble assez fallacieux...). Il y a tellement de monuments qui méritent le coup d'oeil dans le monde! A l'époque de l'Antiquité, le nombre de sept était correct car le monde connu était "petit", mais aujourd'hui... <br /> Enfin bon. Très sympa l'article, effectivement. :-)<br /> <br /> Si je peux me permettre une question, tu as vécu longtemps au Brésil ?
Images et Impressions d'un Cosmopolite
Publicité
Publicité