Yangoon Jews
Des Juifs à Rangoon. Qu’il y en ait eu, je n’en doutais pas, qu’il y en ait encore, je ne m’en doutais pas… Malgré la junte au pouvoir et l’embargo, il reste une vingtaine de Juifs dans la capitale birmane. Sur 2500, avant la seconde guerre mondiale, ça ne fait plus beaucoup. La communauté locale se meurt. La synagogue est belle, simple, émouvante. Sur la 26ème rue (est-ce fait exprès ?), elle date de 1896, fondée par des Juifs irakiens, comme à Singapour. Il reste deux sefer torah et un rabbin vient de Bangkok plusieurs fois par an pour célébrer les fêtes importantes avec les survivants de la communauté.
Samedi
matin, mais pas d’office. Moses Samuels, longgi (jupe traditionnelle
birmane) autour de la taille et kippa sur la tête, est gardien de la
synagogue de Yangoon (et responsable de la communauté). Il l’ouvre tous
les matins pour les touristes intéressés et tente de préserver un
semblant de vie communautaire.
La synagogue est blanche et bleue.
Bancs en bois et en osier, les fenêtres sont ouvertes, laissant passer
des rayons de soleil, et de petits oiseaux volent et chantent entre les
piliers en teck. Aux murs, des posters publicitaires des années 1970
promeuvent Israël. Un livre d’or recueille impressions et dons des
touristes émus venus du monde entier.
Mais la communauté de Yangoon est à l’agonie. 20 personnes dont la moyenne d’âge tourne autour de 60 ans, on est passé en dessous du seuil de perpétuation de l’espèce. C’est bientôt fini, et c’est plutôt triste. Il n’y a qu’à voir l’état du cimetière juif de Rangoon, sur la 91ème rue. En plein centre-ville, entouré de vieux murs de béton, dans un quartier pauvre. Quelques familles birmanes vivent dans l’enceinte du cimetière, dans des maisons d’osier et une pauvreté extrême, avec des chiens galeux. Ils vivent là mais ne s’occupent guère des tombes. Tombes de béton, alignement de caveaux, inscriptions en hébreu et en anglais. Les plus récents RIP (rest in peace) datent des années 1980. Les allées sont envahies de mauvaises herbes, des arbres poussent entre les tombes et les détruisent petit à petit. Le cimetière est à l’abandon, voué à une destruction prochaine, les autorités birmanes l’ont déjà prévu. Alors qu’il suffirait de quelques milliers de dollars pour tout restaurer et préserver ce site chargé d’histoire et d’émotions…
Bah, si le pays s’ouvre, des Juifs s’installeront (le pays regorge de pierres précieuses) et referont vivre la communauté. S’il n’est pas déjà trop tard…